vendredi 28 octobre 2011

Des poules et des oeufs


Chaque matin, je bouffe des œufs. Ces temps-ci, ces trois œufs tournés avec des bines végétariennes qui ont la cote.

Petit article du Globe and Mail aidant, je me suis intéressé aux modes de production des œufs et aux us et coutumes des poules –  ce dernier sujet souvent abordé autour de quelques bières avec les potes. 

Voici ce que ça donne en omelette.

La poule régulière bosse dans une shop. Elle passe le plus clair de sa journée à son poste de travail – un petit espace d’à peine la grosseur d’une lettre. Elle ne se pose pas de questions, elle pond. En soirée, elle regarde des émissions – miroir de sa vie, où chaque semaine une poule est virée. Son produit coûte quatre dollars la douzaine.

La poule de bureau ne compte pas les heures dans son aire de travail aussi vaste qu’un journal plié. Elle profite de ses pauses pour placoter avec ses collègues – à l’extérieur, puisqu’elle ne peut pas fulminer en dedans. Le soir, elle rentre dans son petit nid douillet et s’endort en regardant la photo du coq si bon au football lorsqu’elle était à la poulyvalente – excusez-la. Ses œufs se vendent cinq dollars la douzaine, cotisation syndicale incluse.

La poule de banlieue possède un beau petit terrain qu’elle patrouille toute la journée. Elle est distinguée. Elle a du goût. Elle mange mieux que sa voisine. Et elle pond dans un lit queen. La fin de semaine, elle vend ses œufs devant sa porte. Un panier de 12 pour cinq dollars – fait à la main.

La poule bohème a pour territoire ce qu’elle appelle « le Monde ». Elle est libre, elle mange bio, elle rêve à de lointaines contrées et a toujours une nouvelle histoire à raconter. Ses collègues sont des camarades avec qui elle partage découvertes, passions et techniques de ponte. Ses œufs sont des œuvres d’art et elle pond quand bon lui chante. Elle ne se donne pas : six dollars minimum la douzaine, signature sur demande.

Le pire dans tout ça - confession tête basse, mains dans les poches, épaules soulevées, cherchant le pardon du regard - c'est que je me bourre souvent des oeufs de la régulière.

Si un jour les poules ont des dents, ça sera la faute à Jambon.