vendredi 22 mars 2013

Les dîners de Grand-Maman




Cette cuisine...Grand-Maman m'en a préparé des dîners dans cette cuisine. Faut dire que je suis arrivé dans sa maison âgé de 4 jours seulement. Et j'allais y passer le premier mois de ma vie. Puis, toutes les journées de semaine de mon enfance. Et y revenir, toujours, qu'importe le lieu de départ...

Cette table...C'est probablement sur cette table que j'ai dîné le plus souvent dans ma vie - observant du coin de l'oeil mon grand-père s'en donner à coeur joie avec son couteau et sa fourchette. Quel appétit ! Fallait finir son assiette, mais grand-papa m'aidait...des fois.

C'est que, mardi dernier, pour une trop rare fois, j'ai préparé le dîner dans cette cuisine et j'ai déposé les assiettes sur cette table. Immanquablement, avant, pendant et après la préparation du repas, je fus transporté par un torrent de souvenirs...

Allez, garçon ! Partageons un peu...

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À deux ans, j'ai eu une pneumonie. À l'hôpital, je ne voulais rien manger. Une fichue tête de cochon ! (C'est de famille, paraît-il) Donc, je suis là, on est en 1982, y'a même pas de nintendo pour me divertir tout simplement parce que ça n'existe pas et de toute façon ça ne se mange pas, ce n'est pas ça le problème, c'est que je ne veux rien manger - je me répète mais c'est important, je glisse tranquillement vers le dénouement, ne vous inquiétez pas ! - c'est peut-être ma première crise de diva, allez savoir !

Arrive ma grand-mère avec un pot mason. Dans le pot, de la soupe. Sa soupe. Une soupe qui n'avait pas de nom, mais qui allait s'en trouver un quand la petite tête dure allongée dans son lit d'hôpital allait enfiler une cuillerée l'autre dans sa bouche.

L'appétit m'était revenu. Vive la soupe ! Vive la soupe...miracle !

Voilà. Vous emplissez ce pot de soupe miracle et vous sortez un gamin entêté de l'hôpital ! Pas mal, non ?

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La béchamel aux oeufs de ma grand-mère a atteint chez moi le statut de plat national ! Dans ses différentes variantes - au saumon, au thon, au pois chiche, etc. - c'est une recette qui coûte rien et qui comble la panse.

Quand je me suis finalement intéressé à l'art de la cuisine - j'y ai pensé longtemps avant de me dire « pourquoi pas ?» - j'ai demandé et obtenu une démonstration de ma grand-mère - car je voulais que ma béchamel goûte exactement comme la sienne.

Ça peut avoir l'air niaiseux, mais ça en prend des essais pour obtenir la texture recherchée. Et après, il faut personnaliser. Donc y mettre du curry.

C'est fou ce qu'il y a comme variantes dans la présentation de la béchamel aux oeufs ! Je crois que je suis à l'aube d'une révolution à ce chapitre !


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Aujourd'hui 22 mars, c'est sa fête. Mardi dernier, je lui ai préparé un dîner pour souligner ses 88 ans.

Un de mes classiques - un pavé de saumon nappé d'une sauce aneth et citron, avec riz et asperges.

Et puisque ma grand-mère raffole des crevettes, j'en ai fait sauter quelques unes dans le beurre et la purée d'ail.

 - J'ai une crevette de trop, qui la veut ? j'ai demandé, juste avant de servir.

 - Elle est à moi ! m'a répondu ma grand-mère, du tac au tac.

Joyeux anniversaire, Madame !

P.S. Je t'aime.